À Mulhouse, Radio MNE a fait sa rentrée, mais pas sur la bande FM

L’Alsace, 5 octobre 2023 – article Elisa Meyer

Depuis 2014 que Radio MNE officiait sur la bande FM (107.5) neuf mois sur douze, d’octobre à juin, 2023 sonne le glas de cette habitude qui liait ses auditeurs mulhousiens à la radio. Un bouleversement qui n’a pas empêché le retour à l’antenne de la radio associative, différemment, le 1 er  octobre.

Ils ne sont pas contents et trouvent la décision, rendue le 17 juillet par l’ Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), violente. « Violente en ce sens que l’on signe dans l’indifférence la disparition d’un média accessible à tous dont la vocation est de rendre le paysage radiophonique local pluriel. »

Devant l’impossibilité de faire valoir un recours « réaliste » après deux passages en commission, l’équipe n’a pas le choix. « On ne coûtait rien au contribuable et on est remplacé par du vide… D’autant que nous sommes propriétaires de notre émetteur, situé sur la friche DMC, que nous avons acquis avec d’autres radios locales. Mais il est vrai qu’on est négligeables face au poids lourd que constitue l’enjeu économique de la téléphonie mobile », lance amèrement Charly Sicard, salarié de MNE et membre fondateur de radio WNE (Warum Net Experience), créée en 2000, qui a donné naissance à MNE en 2010.

Pour comprendre la situation, il faut savoir que la législation tend en effet à « décharger » la bande FM de la radio -aujourd’hui saturée- au profit du développement de la téléphonie, qui demande de plus en plus de place avec la création de nouveaux réseaux tels que la 5G ou le wi-fi. Si ces ondes sont immatérielles, elles n’encombrent pas moins les espaces qui leur sont dédiés.

« En Suisse et en Allemagne, une bascule s’opère depuis quelques années déjà. La grande différence, c’est que l’information circule. Chez nos amis helvètes, on sait que fin 2024, il n’y aura plus de FM. En France, en revanche, on estime pour notre part qu’il n’y a aucune communication claire sur le sujet et encore moins une date de fin annoncée. Et c’est cela qui nous attriste, on pensait bénéficier à nouveau de notre créneau de FM temporaire -même à titre exceptionnel- et on a dû se débrouiller seuls, dans un timing serré. »

Pour les trois salariés de l’association – Charly Sicard, Sylvain Freyburger et Morgane Eydmann –, soutenus par de nombreux bénévoles (54) et jeunes en service volontaire européen ou service civique français, la déception majeure demeure dans la question de l’accessibilité des contenus de Radio MNE à un public le plus large possible «puisque tout le monde a la FM».

« C’est clairement la limitation de l’accès à nos contenus qui nous attriste. Avec cette décision, on force nos auditeurs, s’ils ne souhaitent ou ne peuvent pas passer par notre autre canal d’accès – le web en l’occurrence -, à acquérir un nouveau matériel permettant la réception du DAB + [sur laquelle Radio MNE est déjà présente, NDLR]. On doit donc se résoudre à l’idée que nous allons sans doute perdre des oreilles, alors que la qualité de notre travail n’est pas remise en question. D’après le site gouvernemental dédié , 40 % du territoire devait être couvert [pour la DAB+] en 2022. Pourtant, nous n’entendons pas beaucoup parler de la DAB +, qui est déployée depuis… 2014 ! Notre radio a pour ADN une mission d’éducation et de proximité. Nous travaillons notamment par le biais d’ateliers pédagogiques d’éducation aux médias avec des élèves, des détenus, des personnes en situation de handicap mais aussi des citoyens de tout poil… Un public qui n’aura plus la joie de découvrir le fruit de son travail sur la FM et qui ne dispose pas forcément d’autres moyens pour nous écouter. »

Douchés mais pas abattus, Charly, Sylvain et Morgane veulent rester positifs : « Sur la FM, les auditeurs de Mulhouse et de la toute proche périphérie pouvaient nous capter. Avec la DAB +, c’est dans la quasi-totalité du Haut-Rhin que nos contenus sont accessibles. D’autre part, avec ce mode de diffusion, on constate l’absence de parasites perceptibles sur la FM, d’autant que nous bénéficierons d’une diffusion permanente, tout au long de l’année, et non plus sur neuf mois, comme c’était le cas jusqu’à maintenant. Cela même si ce rythme nous convenait puisque durant les trois mois d’interruption, nous pouvions prendre un peu d’avance pour préparer des sujets destinés à alimenter nos émissions durant l’année. Et puis, la DAB + est un mode d’écoute appelé à se développer dans les années à venir. »

2014-2023

Depuis 2014, Radio MNE disposait d’une sorte de « laisser faire » lui permettant d’être diffusée sur la bande FM à raison de neuf mois sur douze. Il s’agissait d’une demande « de fréquence FM temporaire » qu’il convenait de renouveler chaque année auprès de l’ Arcom. « Une délivrance dont l’on bénéficiait, découlant d’une habitude qui ne semblait gêner personne, mais qui n’était pas acquise. Jusqu’à ce qu’une radio nationale porte plainte contre l’Arcom dont la mission était, depuis 2014 qu’a débuté le déploiement de la DAB +, d’accompagner cette transition », réagissent Charly, Sylvain et Morgane.

L’instance, autorité publique indépendante française résultant de la fusion, en janvier 2022, du Conseil supérieur de l’audiovisue l (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), a été condamné. « Il est évident que, face à [la voix d’]une radio qui encaisse des millions d’euros avec de la publicité, la nôtre ne pèse pas lourd », grommelle l’équipe de Radio MNE.

En tout état de cause, en s’appuyant sur la législation qui vise à la limitation de l’usage de la bande FM (lire le texte principal), la radio nationale a eu gain de cause. Depuis, et de nombreuses autres radios associatives sont victimes de cette nouvelle politique, partout en France, l’Arcom restreint ce type d’autorisations. « Nous pourrions former un recours vers le Conseil d’État mais ce n’est pas réaliste… » Dans le fond, pour les trois intervenants, l’Arcom « n’a pas joué son rôle d’ordonnateur du maintien de la pluralité des médias dans le paysage radiophonique. Pas plus qu’il ne nous a estimés en tant qu’acteur représentatif de cette pluralité. »

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